Fındıklı et Kabataş sont deux quartiers qui se
suivent le long
du Bosphore de Thrace, à partir
de Galata ou plutôt
Tophane en direction
du
palais de Dolmabahçe.
La municipalité de Beyoğlu
s’arrête juste avant
le palais, mais comprend
la
mosquée où se trouve d’ailleurs le siège du Müftü de la mairie.
Vue depuis le Bosphore (vers 1800 ?).
Au centre, la vallée de Fındıklı. La colline de
gauche est celle de
Cihangir avec sa mosquée.
Kabataş est au pied de la colline de droite,
celle de
Gümüşsuyu qui n'est pas urbanisée
Ces quartiers se sont développés à partir du
XVIe siècle déjà, surtout dans la partie basse, au bord du
Bosphore.
Tandis que des pachas avaient de petits palais au bord de l’eau, l’intérieur
était occupé par une population plus modeste, composée d’ouvriers de la fonderie
de canons de Tophane, de pêcheurs et d’artisans. Il s’agissait le plus souvent
de musulmans qui préféraient se trouver en dehors de
la ville latine de Galata. Ce n’est qu’au XIXe
siècle que des Grecs, des Arméniens et aussi quelques Latins s’établir dans la
petite vallée de Fındıklı (autrefois Foundoukli ou Foundouklou) et sur les
pentes au dessus de l’échelle de Kabataş (Kabatache).
Le haut de la colline prolongeait le
quartier de Péra (actuel quartiers
de Cihangir et
de Gümüşsuyu). La population y était bien
différente, plus aisée et principalement chrétienne, voire latine.
Au sommet de la colline, le
palais des Oiseaux (gauche) et le cimetière
Ayaspaşa.
Au centre, l'hôpital
de la Militaire. A droite, la
caserne (actuellement université
technique) et en bas, la
mosquée de
Dolmabahçe
- vers 1900 -
Le
palais des Oiseaux
et la
mosquée de Kabataş
au pied de la colline
-
vers 1900 -
Vue du ciel de Gümüşsuyu, Taksim et
Cihangir (vers 1960)
|
Vue du ciel de Gümüşsuyu, Kabataş,
Fındıklı, Taksim et Cihangir, vers 1960
|
Vue du ciel de Gümüşsuyu
et Kabataş, vers 1995
|
Entre Cihangir et Gümüşsuyu,
la vallée de Fındıklı, 1941. La
note en rouge indique l'emplacement de
l'actuel hôtel Marmara |
La
vallée de Fındıklı qui
sépare Gümüşsuyu et Cihangir. Au fond la
Kanzancı Yokuşu. A droite, la 1ere note
indique le consulat de Belgique, rue
Sıraselviler - 1941
|
Le centre de Kabataş avec sa mosquée. Au loin
le palais de Dolmabahçe,
vers 1900
La
construction
du palais de Dolmabahçe
au milieu du XIXe siècle empêcha définitivement
l’expansion urbaine vers le nord-est, autant
pour les quartiers du bord de l’eau, que ceux
situés sur la colline qui étaient tous délimités
par le domaine impérial qui couvrait la totalité
de la
vallée de Maçka. Si de grandes
surfaces sont restées vertes de nos jours, il y
eut quand même des empiétements avec la
construction
du stade İnönü
et l’aménagement d’une « vallée des congrès »
dans les années 1940-1950 selon les plans de
l’urbaniste français Henri Prost.
Devant la
mosquée de Dolmabahçe,
côté palais, vers 1880
Les
grands hôtels (Hilton,
Ceylan,
Swissôtel) ont
été construits entre les années 1950 et 1970 et
le dernier, (la cerise sur le gâteau), l’hôtel
Ritz-Carlton
dans
les années 1990, avec sa haute tour de verre.
Une verrue.
Tous ces hôtels ont été plantés dans les parcs
du domaine public par des entreprises privées.
Fındıklı autant que les environs de l’échelle de
Kabataş ont conservé longtemps leurs maisons en
bois. Ce n’est qu’à partir des années 1940 et
surtout 1950 que les maisons anciennes ont été
remplacées par des immeubles en béton.
Les
maisons proches du Bosphore ont été détruites
lors du percement du boulevard Meclis-i Mebusan
sur toute la longueur entre Tophane et
Dolmabahçe. Les seuls bâtiments qui ont échappé
au bulldozer, sont les quatre grandes mosquées
qui ponctuent cet espace et les
Beaux-Arts (ancien Parlement ottoman).
A l’origine, les locaux de l’université Mimar
Sinan (Beaux-Arts) étaient deux palais qui ont
appartenu à plusieurs sultanes, des filles
d’Abdülhamid II. Lors du rétablissement de la
Constitution (1908), le parlement ottoman siégea
dans l’un d’entre eux.
Ces
dernières années, la petite vallée de Fındıklı
s’est couvert de petits bistrots, de cafés et de
boutiques, ce qui rend le quartier beaucoup plus
gai. L’université Mimar Sinan contribue, avec sa
masse d’étudiants, à donner de l’animation dans
les rues.
Les berges du Bosphore de Thrace sont joliment
aménagées avec des parterres fleuris et des
œuvres d’art qui proviennent de l’université.
La fontaine monumentale de
Kabataş qui s’y trouve aussi, est
l’une des plus belles de la ville.
Port de Salıparı -
Fındıklı |
Parc de Fındıklı -
Kabataş |
Fontaine de charité
(sebil) Koca Yusuf Paşa |
Tombeau byzantin
découvert en 2013 - Tophane |
Escaliers de Fındıklı |
Aux Beaux-Arts |
|
Arrivée du MSC
Divina au port de
Salıpazarı - Fındıklı, juin 2013 |
La
petite échelle de Kabataş a fait place à un
véritable embarcadère où sans cesse, des
milliers de personnes montent et descendent des
bateaux qui relient la côte anatolienne ou
les îles des Princes.
C’est aussi de là qu’embarquent les passagers
des bateaux privés pour les croisières sur le
Bosphore, en mer Noire ou en mer de Marmara.
La station Kabataş du tramway et celle du
funiculaire sont reliées à la station Taksim du
métro. Elles sont juste en face de l’embarcadère
et permettent des transfères rapides d’un
quartier à l’autre.
Fındıklı a aussi une station de tramway, ce qui
est utile autant pour les Stambouliotes,
étudiants des Beaux-Arts compris, que pour les
voyageurs étrangers qui débarquent des gros
bateaux des croisières internationales.
L’hôtellerie est assez récente dans ce secteur
de la ville et donc de bonne qualité. Certains
hôtels situés dans les pentes de Fındıklı –
Cihangir ou de Fındıklı –
Gümüşsuyu, ont de formidables vues
sur le Bosphore,
le vieux Stamboul,
la côte d’Asie Mineure et les îles des Princes…
de quoi faire rêver les romantiques.
Vue générale. Mosquée de
Dolmabahçe tout
à
droite et les Beaux-Arts tout
à
gauche
Percement
du boulevard Meclis-i Mebusan entre
Galata et Dolmabahçe |
Impressionnant percement du boulevard, Tophane
1957
L’idée
de percer de grands boulevards dans les vieux
quartiers stambouliotes, était ancienne, mais
c’est seulement dans les années 1950 que la
plupart des grands travaux ont été exécutés. Le
1er périphérique a été construit dans
les années 1970 et
le boulevard Tarlabaşı,
dernier grand tronçon d’un quartier historique,
a été réalisé dans les années 1980.
Tout cela n’a pas été fait sans mal et certains
quartiers ont subit des destructions de
bâtiments anciens ou historiques sans précédent.
D’autres quartiers avaient été ravagés par des
incendies, ce qui facilita la construction des
nouveaux boulevards. C’est le cas pour ceux
du
centre de la presqu’île.
Par contre, des zones entières ont complètement
changé de visage, comme à d’Aksaray,
à
Yenikapı, à
Laleli et
Beyazıt.
Dans
la maire de Beyoğlu,
c’est la traversée de
Galata qui a
nécessité le plus de destructions, ainsi que
toute la partie y faisant suite jusqu’au palais
de Dolmabahçe, pour reprendre de l’autre côté,
à
Beşiktaş où tout l’ancien centre a
été rasé.
Destructions des immeubles autour de la future
place de Karaköy, Galata 1957
Le nouveau
boulevard Kemeraltı. A droite, de travers,
l'ancien hôpital grec.
A gauche, apres l'échaffaudage, l'église
Surp Pirgiç et
l'école Saint-Benoît
C’est
surtout le domaine privé qui a subi les plus
gros dommages, suivi du domaine public avec la
destruction d’anciens palais ottomans, des
casernes et des dépôts militaires. Plusieurs
bâtiments religieux ont également fait les frais
de ce grand chambardement. Ainsi, sous le
gouvernement Menderes et seulement pours les
années 1956-1957, 54 mosquées ont été détruites
pour l’élargissement des avenues de la ville.
Cela, sans parler des couvents (tekke),
anciennes écoles religieuses (medrese) ou autres
bâtiments liés aux fondations religieuses.
Plusieurs églises ont aussi été démolies.
Kabataş -
Fındıklı, entre les Beaux-Arts (en bas
à
droite) et le palais de Dolmabahçe (en haut, au
centre)
La mosquée de Kabataş (Molla Çalebi) est au
centre de l'image
Entre
le pont de Galata et la mosquée de Dolmabahçe,
trois mosquées et deux églises ont été rasées et
plusieurs autres sanctuaires se sont vus priver
de leurs dépendances, dont les quatre grandes
mosquées de
Kılıç Ali Pacha,
Nusretiye,
Molla Çalebi
et
Dolmabahçe. Les
églises
Saint-Benoît (catholique),
Surp Pirgiç
(arméno-catholique), Ayos Yorgos
(orthodoxe) et
Saint-Grégoire
l’Illuminateur (grégorienne), ont
connu le même sort.
Trois fontaines monumentales ont été déplacées.
La plus petite,
la Nouvelle Fontaine de
Tophane a carrément changé de
quartier. Elle se trouve de nos jours, en
bordure du parc de Maçka.
Autour de la mosquée Nusretiye, le changement a
été radical aussi. Tous les bâtiments ont
disparu des deux côtés du boulevard, et cela
depuis la mosquée Kılıç Ali Pacha, jusqu’aux
Beaux-Arts et tout le long du Bosphore. Seule la
fontaine de Tophane est restée en place. Un seul
bâtiment, le plus ancien de l’immense complexe
de la caserne de Tophane a été épargné. L’ancienne
fonderie de canons avait l’avantage
par rapport aux autres constructions, d’être à
l’écart, sur le flan de la colline. La rangée de
bâtiments qui étaient au pied de cette fonderie,
servaient d’entrepôts et d’armureries, dont
certaines étaient publiques.
Depuis les Beaux-Arts jusqu'au palais de
Dolmabahçe, pratiquement toutes les
constructions ont été rasées des deux côtés de
l’avenue et jusqu’au Bosphore là aussi. Les
seuls bâtiments qui ont échappé à la destruction
sont
la fontaine de Kabataş
(déplacée)
et les mosquées de Dolmabahçe et Fındıklı
(Kabataş), des œuvres majeures.
La mosquée
de Dolmabahçe après
la destruction des immeubles, 1958
Ce chantier pharaonique d’élargissement du
boulevard était nécessaire, mais hélas, il n’y
suffit plus de nos jours, même avec le percement
récent de tunnels.
Des immeubles de bureaux ont été reconstruits
dans les années 1960-1970 du côté de la colline
le long du boulevard et à Tophane, de nouveaux
docks se sont dressés sur l’ancienne place
d’armes. C’est seulement à partir des rues qui
escaladent, parfois péniblement la colline, que
l’on trouve les premiers immeubles locatifs.
Le nouveau boulevard en 1959
avec la constructions des docks au premier plan
Pour arriver à ses fins, le gouvernement employa
la méthode forte pour exproprier tous ceux qui
pouvaient gêner les travaux. Parfois des
destructions ont eu lieu alors qu’elles
n’étaient pas vraiment nécessaires. C’est le cas
de la petite mosquée qui se trouvait près du
pont de Galata, avec un minaret très original.
La démolition de la petite mosquée de Süheyl Bey
à Salıpazarı / Fındıklı n’était pas
indispensable non plus. D’ailleurs le
gouvernement AKP actuel l’a bien compris 55 ans
plus tard, puisqu’il vient de faire édifier à
son ancien emplacement, une mosquée commerciale.
Les intentions des autorités actuelles sont
aussi claires en ce qui concerne l’ancienne
caserne ottomane de Tophane. Il s’agit de
reconstruire les bâtiments détruits en 1957-8 le
long du boulevard, ce qui risque de poser un
problème, puisqu’ils arrivaient pratiquement au
milieu du boulevard actuel.
Des fouilles ont été entreprises il y a quelques
temps et ont révélé des traces d’habitations
byzantines sur le flan de la colline. On ne sait
pas s’il s’agit d’un petit palais ou d’un
monastère. On a découvert notamment un tombeau
en marbre qui avait été réemployé dans une
structure plus tardive (juin 2013). Seulement
1/3 de la surface a été fouillée par la faculté
d’Architecture de l’université Mimar Sinan. Le
gouvernement ayant décidé la reconstruction
d’une partie de la caserne ottomane, les traces
byzantines sont condamnées à disparaître
définitivement. De toute évidence une sottise,
puisque le futur bâtiment ne pourra pas avoir
les dimensions d’origine et qu’il n’est pas
forcément impératif de reconstruire un bâtiment
administratif abattu il y a presque 60 ans.
Evolution du secteur de Tophane
- Fındıklı
|
Les bâtiments de
l'Arsenal
à
l'arrière
de
la tour de
l'Horloge
et de la
mosquée. Au sommet de la colline
à
gauche,
l'hôpital Italien, vers
1930 |
L'Arsenal
à
gauche et la
Nouvelle
Fontaine de Tophane,
oeuvre de D'Aranco, vers 1920 |
L'Arsenal et la
mosquée Nusretiye, 1955 |
Vue de l'Arsenal, vers
1955
Même endroit en 1958
Démolition des immeubles
attenants
à l'Arsenal, rue Boğazkesen,
1958
Le nouveau
boulevard, années 1960 |
Le nouveau
boulevard, années 1975 |
Restes de
l'Arsenal, 1972 |
Le nouveau
projet du gouvernement |
|
Il faut dire que les autorités sont très fortes
en matière d’absurdité sans pour cela, se
réserver à ce quartier. On peut quand même
prendre un autre exemple à quelques centaines de
mètres de là, la mosquée Süheyl Bey.
Comme dit plus haut, la mosquée a été détruite
en 1957. Il ne restait donc absolument rien sur
le morceau de terrain laissé sans construction.
Au début de 2012, le gouvernement annonçait une
« restauration » et les travaux furent entreprit
et plus ou moins terminé en juillet 2013. Le
résultat est aussi triste que surprenant. On a
construit un immeuble en verre à trois étages de
locaux commerciaux, flanqué d’un minaret. Une
salle sera certainement dédiée à la prière.
Naturellement, cette construction n’a rien à
voir avec celle qui a été détruite en 1957 et
qui n’était d’ailleurs pas la mosquée d’origine
(1591), mais un bâtiment datant de 1873.
Cet édifice abject, digne des banlieues les plus
hideuses a quand même intrigué la population sur
le fait qu’une fondation religieuse puisse
construire un immeuble commercial avec salle de
prière (et non une mosquée avec des boutiques),
sur un terrain du domaine public.
Le président de la section stambouliote du parti
d’opposition CHP, M. İhsan Özkes, a demandé des
comptes à la majorité. Un conseiller du Premier
ministre, M. Bekir Bozdağ, a précisé que le
bâtiment historique comportait des locaux
commerciaux, donc dans un souci de reconstruire
à l’identique, on y a également ajouté une
surface commerciale au nouveau bâtiment.
Une plaisanterie qui aura coûté quelques 865 000
livres turques… sans la TVA.
Autres images :
Kabataş vers 1900
Fındıklı
vers 1945
Dolmabahçe, 1957
Kabataş,
1958
Dolmabahçe, 1960 |
Kabataş, 1958 |
Vue sur
une partie de Galata (en bas) et l'Arsenal de
Tophane, 1890
Carte de Turquie
/
Plan du métro |