Agatha Mary Clarissa Miller naquit en 1890 à
Torquay, au cœur de la Riviera anglaise. Autour
d'elle régnait le confort. Dans son
autobiographie, écrite septante ans plus tard,
elle raconte longuement cette période idyllique
passée entre sa nurse, ses poupées, son chien
Toby et ses parents collectionneurs de
porcelaine. Elle n'allait pas à l'école mais
s'en était inventé une, peuplées d'amies
fictives. La petite avait une imagination
enfiévrée, nourrie des contes puisés dans la
bibliothèque familiale.
Très
tôt, cette fille de rentiers élevée dans un
cocon rassurant développa une fascination pour
le mystère et les situations macabres.
Encouragée par sa mère, elle se mit à écrire
sans songer alors à devenir écrivain: à seize
ans, elle entretenait des rêves plus concrets.
Après quelques mois de «chasse au mari», Agatha
trouva son idéal en la personne d'Archibald
Christie, séduisant aviateur appartenant au
Royal Flying Corps. Elle avait vingt-deux ans,
lui vingt-trois, et la Première Guerre mondiale
était sur le point d'éclater. Son fiancé appelé
au front, la jeune Agatha s'engagea comme
infirmière volontaire au dispensaire de Torquay
où elle se prit d'un intérêt subit pour les
poisons.
C'est
pendant la guerre qu'elle écrivit un premier
roman, qui ne fut jamais publié. Sa sœur l'ayant
mise au défi de parvenir à ficeler une intrigue
qu'on ne parviendrait pas à élucider avant les
dernières pages, elle en entama un deuxième: La
mystérieuse affaire de Styles, dont le héros, un
détective maniéré et perspicace, portait le nom
d'Hercule Poirot. Pendant quinze jours,
n'arrivant plus à travailler, elle déserta le
dispensaire de Torquay pour taper sur sa machine
portative dans une chambre d'hôtel. Le
manuscrit, envoyé à quatre éditeurs, ne parut
qu'en 1920 ; mais sa voie était tracée. Agatha
Christie n'arrêtera plus d'écrire. Son
entêtement et son imagination allaient la rendre
célèbre.
De
livre en livre, elle sut raffiner les charmes
subtils du roman policier, atteignant, dès 1926,
des records mondiaux de tirages. Elle parvenait
à merveille à distiller une imagerie anglaise
rassurante et conventionnelle, semblable à la
vie douillette qu'elle avait toujours connue, à
montrer comment une existence paisible et
ordonnée peut soudainement être troublée par
l'irruption du sang et du crime. Heureusement,
Hercule Poirot ou Miss Marple étaient toujours
là pour rétablir l'ordre.
En
1926, l'année même du premier succès, la vie
d'Agatha faillit basculer, comme dans un de ses
romans. En réalité, tout n'allait pas si bien:
sa mère morte depuis peu, le roman en chantier
qui n'avançait pas, l'infidélité avouée de son
mari...il était temps de mettre un peu de
romanesque dans ce pénible hiver. Le 3 décembre,
Agatha Christie disparut. Le lendemain, on
retrouva sa voiture abandonnée près d'un étang,
avec son manteau de fourrure et ses papiers...
La
police dragua l'étang, les journaux publièrent
sa photo et promirent des récompenses. On la
retrouva onze jours plus tard dans l'hôtel d'une
station balnéaire chic, où elle s'était inscrite
sous le nom de la maîtresse de son mari! Agatha
prétendit ne se souvenir de rien et,
volontairement ou non, maintint cet oubli
jusqu'à sa mort : elle ne dit pas un mot de cet
épisode dans son autobiographie, et nous laisse
le soin de décider si son imagination fertile
lui a joué des tours ou si elle s'en est
simplement servie...
Après
sa mort, on trouva dans ses papiers, cette note
: “La clef du mystère de ma disparition, se
trouve dans ma chambre du
Péra Palace
à Istanbul”. Des recherches furent entreprises
et on trouva, derrière la porte dans le parquet
: une cache. Dans cette cache : une clef.... la
clef du mystère...
Divorcée, elle partit seule en voyage à bord de
l'Orient
Express et rencontra à Bagdad un
archéologue de quinze ans plus jeune qu'elle.
Coup de foudre: elle passera avec lui le reste
de son existence. «La seule vertu qui ne me sera
jamais contestée est bien l'espérance»,
assurait-elle. Chaque année, ils retournèrent en
Irak, partageant le reste de leur temps entre
une maison au bord de la Tamise et une autre à
Darmouth, dans le Devon natal de la romancière.
Car
Lady Agatha (elle fut anoblie par la Reine en
1971) était passionnée de maisons et de jardins
bien plus que de voyage et de villes. «Dans les
villes, j'existe, tandis qu'à la campagne, je
vis.» Greenway House, sa dernière acquisition,
comblait son besoin très marqué d'un cadre
rassurant et bucolique: «Une maison géorgienne
blanche, datant de 1780, avec des bois qui
descendaient jusqu'à la Dart...La maison idéale,
une maison de rêve.» Rien ne lui procurait
autant de bonheur que les moments tranquilles de
la vie quotidienne, passés dans l'une ou l'autre
de ses maisons. Faire des promenades en voiture,
jardiner dans la serre, pique-niquer sur la
plage, s'occuper de sa fille Rosalind ou,
bientôt, de son petit-fils...et s'enfermer dans
une pièce pour s'adonner à son plaisir secret,
l'écriture.
La
romancière à succès avait aussi une face cachée:
Mary Westmacott, pseudonyme sous lequel sont
parus ses écrits les plus personnels. "Loin de
vous ce printemps", par exemple, «le seul livre
qui m'ait complètement satisfaite», est le
monologue enfiévré d'une femme blessée par la
vie, un roman écrit en trois jours et trois
nuits dans une sorte de transe. «Je suis une
machine à saucisse, confia-t-elle, non sans
humour. Dès qu'une intrigue a été mise en forme,
une autre s'amorce et je me remets au travail.
«Il lui arriva ainsi d'écrire jusqu'à quatre
romans en une année. Sa fortune considérable lui
permettait de céder les droits de certaines
œuvres à des fondations ou a des amis. De 1954
jusqu'à sa mort en 1976, à l'âge de 86 ans, elle
se contenta d'un roman par an-régularité qui
permit à son éditeur de promettre jusqu'à la fin
«a Christie for Christmas», un Christie pour
Noël.
Diffusée à travers le monde à plus de deux
milliards d’exemplaires, son œuvre policière est
traduite dans une vingtaine de langues. Agatha
Christie a fait paraître, d’autre part, des
romans, sous le nom de Mary Westmacott: Loin de
vous ce printemps (Absent in the Spring , 1944);
The Rose and the Yew Tree (1948), des poèmes,
des nouvelles ainsi qu’une autobiographie. Elle
laissera à ses héritiers la charge de publier
après sa mort un dernier roman, écrit en 1940,
conservé plus de trente ans dans un coffre de
banque, Hercule Poirot quitte la scène (Curtain:
Poirot’s last Case, 1976), dans lequel disparaît
après elle le plus célèbre de ses détectives.
Aujourd'hui, voyager à Istanbul permet de
retrouver les couleurs, les atmosphères et les
lieux qui ont nourri l'imaginaire de la reine du
crime, (le Crime de l’Orient Express fut écrit
ici). Le Boulevard des
Petits-Champs
(Tepebasi) et le
Péra Palace
ont gardé le charme du début du siècle. Un
musée
lui est d'ailleurs consacré dans la chambre
qu’elle habitat. L'hôtel Art déco, inchangé,
correspond tout à fait au goût d’Hercule Poirot.
De
là, on peut se rendre
en métro (le
Tunnel - Tünel) jusqu'au petit port
de
Karaköy
et après avoir traversé le
Pont de Galata
et longé les quais, on arrive au
terminus de
l’Orient Express, (Sirkeci),
qui a gardé, lui aussi un cachet d’antan.
Yan Muckle (Québec)
Rinaldo Tomaselli (Istanbul Insolite)
Alexandre Talierco (Le journal des étudiants de
Polynésie Française)
Hôtel Péra Palace
L’Orient Express
/
Un restaurant
qu’Agatha Christie fréquenta /
La gare de
Sirkeci
/
La ligne complète
de l'Orient Express /
Quartier de Péra
Autres
personnages connus de passage /
Ottomans ou Turcs
connus
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