Centre de rétention de Kumkapý et
situation des réfugiés non-européens

L’ancien établissement des sœurs Oblates de l’Assomption a été transformé en 2007 en centre de rétention pour les étrangers en situation illégale. Le « Misafirhanesi » (maison des hôtes), est en fait une étape avant l’expulsion du pays des réfugiés politiques ou économiques en situation irrégulière ou dont le statut a été refusé par les autorités.

Le centre a une capacité de 600 personnes, mais un rapport en octobre 2013, mentionnait une surpopulation qui parvenait au nombre de 800. De nombreuses associations turques se sont mobilisées depuis 2008 pour l’amélioration des conditions des réfugiés. Selon elles, les immigrants vivent dans des conditions déplorables et sont maltraités (Résistanbul, Ass. des Musulmans de Turquie, Forum Social Européen, etc.).

Les migrants clandestins de l’ancien bloc soviétique, du Proche et du Moyen Orient, d’Afrique et d’Asie centrale et orientale, s’installent très souvent dans le quartier de Kumkapý / Yenikapý. Ils vivent dans des conditions misérables dans des taudis et sont souvent dans l’obligation, pour survivre, de travailler à bas prix dans les ateliers de confections ou de chaussures.

Ayant souvent traversé plusieurs pays sur la route de l’Union Européenne, ils abordent le continent par Istanbul, mais n’ont souvent plus les moyens de payer des passeurs capables de les emmener en Bulgarie, en Grèce ou en Italie. Ils se retrouvent donc coincés à Istanbul, sans aucune aide et sans aucun droit. D’ailleurs, officiellement, ils ne sont pas là.

La demande d’asile n’est pas possible pour les citoyens originaires des pays hors d’Europe, la Turquie étant signataire de la Convention de Genève qui impose une limite géographique aux requérants d’asile sur le territoire national. Ainsi, les requérants d’asile non-européens, n’ont aucune chance d’une installation en Turquie. Les demandes qui aboutissent sont en vue d’une installation dans un pays tiers, en principe l’Australie, le Canada ou les Etats-Unis.

Avec ce système, plus d’un million d’Iraniens ont transité par la Turquie dans les premières années qui ont suivi la révolution islamique.

Différentes manifestations de soutien des réfugiés (2009-2013)

 

Les démarches demandent des années et quand la demande a été effectuée, les requérants doivent s’installer dans une des 53 villes turques prévues à cet effet. Les réfugiés ont également un problème de compréhension, car certains, surtout les Africains ne parlent pas anglais. Ils ne savent pas où se faire inscrire et en plus, n’ont souvent pas de papier. Craignant l’expulsion pure et simple, ils vivent cachés dans les bas fonds de Kumkapý.

Les demandes d’asile ont dépassées les 29 000 pour la période de janvier à août 2013. Ce chiffre n’inclut pas les 125 000 Syriens qui sont entrés en Turquie dans la même période, ni les milliers de réfugiés non enregistrés, comme ceux de Kumkapý (Somaliens, Congolais, Iraquiens, Iraniens, Afghans, etc.).
Selon les données d’Eurostat, la Turquie est l’un des pays d’Europe où les demandes sont les plus nombreuses, alors que dans le même temps, les quotas de réinstallation sont en baisse. En 2012, 4000 réfugiés ont été acceptés par les Etats-Unis, 900 par le Canada et 630 par l’Australie. L’Allemagne, la Norvège et la Finlande en prenaient 100 chacun.

Un réfugié non-européen qui rentre en Turquie aujourd’hui va attendre généralement un an et demi avant de s’inscrire auprès du HCR et encore une année au moins pour avoir une première entrevue, soit deux ans et demi pour avoir une chance de plaider sa cause. Avec les différentes entrevues et le suivi du HCR, l’attente se prolonge de 4 à 5 ans, parfois jusqu'à 8 ou 10 ans, mais il faut encore que le candidat ait les critères d’éligibilité pour un des pays tiers susceptibles de l’accepter, tels que le niveau d’éducation, la nation d’origine, les compétences linguistiques, etc. Certains, comme les Afghans, n’ont aucune chance d’être réinstallés et continuent de vivre dans des conditions misérables.

Certains candidats sont prêts à recourir à des actions désespérées pour continuer le voyage vers l’Europe de l’Ouest en s’embarquant, par exemple, sur des bateaux de passeurs, comme celui qui a coulé au large de la côte turque en 2013 avec plus de 60 réfugiés noyés.

 

Les requérants non-européens vivent dans de telles conditions misérables, sans le droit de travailler, à la merci de la police locale et dans la peur constante d’être refoulés, que de nombreuses associations turques et ONG se sont mobilisées pour changer la loi sur l’asile. Le ministère de l’Intérieur et le Parlement ont bien collaboré, ce qui est inhabituel en Turquie, et ont présenté un projet de loi au milieu de l’année 2013. Ce projet a été élaboré aux normes de l’UE en coopération avec la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Commission Européenne.

La loi devrait largement améliorer les conditions de vie des réfugiés non-européens, mais elle ne prévoit pas de supprimer la limitation géographique. Ainsi, un demandeur iraquien n’aura pas les mêmes chances qu’un demandeur russe (les plus nombreux dans les Européens actuellement).


Le problème des requérants d’asile en Turquie est aussi celui de l’Union Européenne qui ne cesse de demander des mesures sévères dans le contrôle des mouvements de populations en direction de son territoire, tout en tapant sur les doigts du gouvernement turc lorsqu’il organise des départs forcés comme ce fut le cas
à plusieurs reprises en destination de l’Iran. Comme la Turquie est limitrophe de trois pays de l’Union Européenne en comptant Chypre, il est à craindre que l’exode des réfugiés à travers le pays se poursuive.

En 2013, des milliers de réfugiés en provenance de dizaines de pays différents vivaient dans le quartier de Kumkapý, sans droit et sans accès aux nécessités de la vie. Selon le Dr Ahmet Kaya qui travaille dans une clinique privée du quartier, au cours des années 2011-2012, 7 980 réfugiés originaires de 73 pays ont été soignés, ce qui représente 52% des patients.
A cause du surpeuplement, les conditions de logement sont pitoyables, entrainant une mauvaise hygiène et des maladies comme la tuberculose. Pour ceux qui meurt sur place, le rapatriement des corps est trop coûteux et ils sont enterrés dans des fosses communes.
Les conditions de travail sont désastreuses et certains employeurs prennent les papiers de ceux qui les ont encore, afin de s’assurer qu’ils restent à leur merci. La prostitution est courante.  

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