Euphémie est née à
Chalcédoine en 289 et y est morte
martyre le 16 septembre 303. Elle
qualifiée de sainte majeure ou de grande
martyre (megalomartyre) et vénérée par
l’Eglise orthodoxe et l’Eglise
catholique. Fête le 16 septembre et
commémoration le 11 juillet du miracle
survenu sur son tombeau pendant le
concile œcuménique de Chalcédoine en
451.
Elle
était d'une famille chrétienne
aisée, dont le père était sénateur à
l’époque des persécutions de Dioclétien.
Selon la tradition, ne supportant plus
de voir ses coreligionnaires torturés
par le juge Priscus, elle se dénonça à
se dernier. Jetée en prison et torturée,
on lui trancha la tête selon certains ou
elle fut jetée aux fauves, selon
d’autres.
Ses parents recueillirent la dépouille
et l’ensevelirent à proximité de la
ville. Plus tard, quand les persécutions
contre les chrétiens avaient cessées, on
fit bâtir un martyrium circulaire au
même endroit et l’on y plaça les
reliques dans un sarcophage en argent.
Une église dédiée à la sainte fut
également édifiée à côté du martyrium.
La relique était réputée pour un
épanchement de sang reproduit chaque
année, le 16 septembre. Le sang frais
dégageait une « céleste odeur », selon
les anciens textes. Il était recueilli
et distribué dans des ampoules en verre
et était sensé guérir les malades.
Selon la tradition, les Perses qui
avaient envahi Chalcédoine essayèrent de
détruire les reliques par le feu, mais
elles restèrent miraculeusement intactes
et du sang coula par un des trous qu’ils
avaient faits dans la châsse.

Le miracle de sainte Euphémie |
Un autre miracle s’accomplit
dans le tombeau de sainte
Euphémie en 451 lors du IVe et
dernier concile œcuménique. Les
Pères des Eglises locales
n’arrivaient pas à s’entendre
sur la nature du Christ. Les
monophysites (une seule nature
divine) s’opposaient aux
dyophysistes (double nature,
divine et humaine). Sur
proposition du patriarche
Anatole de Constantinople, on
soumit au Saint-Esprit la
décision du litige par son
messager sainte Euphémie.
Le tombeau fut ouvert et l’on
plaça les deux rouleaux scellés
contenant les deux thèses sur la
poitrine de la sainte en
présence de l’empereur Marcien
et de l’impératrice Pulchérie.
Le tombeau fut à nouveau scellé
et un gardien fut placé devant
pour le surveiller. Pendant
trois jours, les deux parties se
sont imposées un jeûne strict et
ont prié. Au bout des trois
jours, l’empereur et le
patriarche firent ouvrir le
tombeau en présence de tous les
participants au concile. Le
rouleau des dyophysistes était
dans la main droite d’Euphémie,
tandis que le rouleau des
monophysites était à ses pieds.
Ainsi la thèse dyophysiste fut
adoptée par le concile de
l’Eglise universelle. Les
patriarcats d’Antioche et
d’Alexandrie rejetèrent
l’ensemble des décisions du
concile et évoluèrent séparément
jusqu'à nos jours. L’Eglise
d’Arménie qui n’avait pas envoyé
de représentant au concile, le
rejeta également un siècle plus
tard.
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La première église Sainte-Euphémie a été
construite dans les environs de
Chalcédoine au IVe siècle. Elle fut
détruite lors de l’invasion des Perses
vers 620. Les reliques furent
transportées à Constantinople où
l’empereur Constantin II les fit placer
dans une salle octogonale du palais
d’Antiochos sur l’Hippodrome. Le nouveau
sanctuaire devint
la nouvelle église
Sainte-Euphémie de l’Hippodrome (Ἁγία
Εὐφημία
ἐν
τῷ
Ἱπποδρόμῳ
/ At Meydanı Aya Öfemi Kilisesi)
où l’on pouvait y voir et y vénérer les
reliques saintes.
Quoi qu’il en soit, c’est bien Sainte-Euphémie
de l’Hippodrome que l’empereur
Constantin V profana pendant la période
iconoclaste et qu’il fit jeter les
reliques saintes à la mer.
Encore endommagée lors du pillage de la
ville par les Latins en 1204, l’église
survécut toutefois jusqu'au milieu du
XVe siècle. A la fin du XIIIe siècle,
des fresques illustrant la vie et la
mort de Sainte-Euphémie ont été
réalisées. On a trouvé quelques
fragments lors des fouilles entre 1942
et 1952 qui ont également permis la
découverte d’une partie du palais
d’Antiochos, mais qui fut recouverte
dans les années 1950 par le nouveau
palais de Justice.

Cérémonie du miracle de sainte Euphémie
au patriarcat de Fener le 11 juillet
(2013)
Mais que sont devenues les
reliques de sainte Euphémie ?
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Il y a plusieurs versions sur le devenir
des reliques après la profanation de
l’église par Constantin V.
Selon la tradition byzantine, le
reliquaire avec les reliques auraient
été récupérés par des armateurs (Sergius
et Sergonos) qui les auraient remis à
l’évêque qui les aurait cachés dans une
crypte à Sillybrie (Silivri).
En 797 ou 798 l’impératrice Irène fit
transférer les reliques solennellement
à Constantinople. Pendant l’occupation
latine (1204-1261) des ossements ont été
prélevés par des Croisés, dont le crâne
qui fut emporté à l’abbaye de Lucelle
(en France actuelle). A la Conquête de
Constantinople les restes de la sainte
suivirent le patriarcat à l’église
de la Théotokos Pammakaristos
entre la 4e et 5e
colline. Plus tard le patriarcat a été
transféré à
l’église
Saint-Georges dans le Phanar (Fener)
avec les reliques. Elles y sont
toujours.
Une version plus « miraculeuse » de
l’histoire, fait échouer les reliques
jetées à la mer par Constantin V, sur le
rivage de l’île de Lemnos. Elles furent
recueillies par deux pêcheurs, puis
transférées à Constantinople en 796.
Une version encore plus « miraculeuse »
fait disparaître mystérieusement le
sarcophage et les reliques de
Constantinople qui réapparaissent le 13
juillet 800, sur la côte istrienne au
pied de la bonne ville de Rovigno,
aujourd’hui Rovinj en Croatie.
Les reliques et le sarcophage (en
marbre) sont en la cathédrale de Rovigno
qui est dédiée à sainte Euphémie qui est
aussi la sainte patronne de la ville.

Ruvèigno en istro-romanche, Rovinj en
serbo-croate, Rovigno en italien,
Ryginion en byzantin, Rovinyo en turc
:
La cathédrale-basilique Sainte-Euphémie
On trouve d’autres reliques de la sainte
en Italie, en France et en Suisse. Elles
ont des origines moins mystérieuses, car
la plupart du temps il s’agit
d’ossements dérobés par les Croisés lors
du pillage de Constantinople en 1204.
Toutefois, bien avant cette date,
différents patriarches de la capitale
byzantine avaient fait dont de fragments
à des églises provinciales.
C’est le cas par exemple pour les
ossements retrouvés à l’intérieur de la
tombe de saint Apollinaire à Ravenne en
1686 qui étaient accompagnés d’un
parchemin archaïque indiquant l’origine
constantinopolitaine des reliques. La
cathédrale Saint-Apollinaire in Classe a
été construite au VIe siècle, après que
les Byzantins aient conquis la Romagne
sur les Goths en 540. Elle est connue
pour ses mosaïques byzantines et est
classée dans la liste du patrimoine
mondial de l’UNESCO. La tombe de saint
Apollinaire et les reliques de sainte
Euphémie se trouvent sous l’autel.

Ravenne, la basilique :
La tombe de saint
Apollinaire et les reliques
de
sainte Euphémie se trouvent sous
l’autel.
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On ne sait pas vraiment comment
est arrivé le bras droit de
sainte Euphémie dans le village
d’Irsina (5 000 habitants), dans
la province de Matera en
Basilicate (Italie), mais il
pourrait bien s’agir d’un butin
de guerre croisé.
Il se trouve dans une châsse
d’argent dans la cathédrale
Notre-Dame de l’Assomption
(Santa Maria Assunta). Tous les
16 septembre il est exhibé à la
foule lors d’une procession à
travers la cité avec la statue
de sainte Euphémie et celle de
Notre-Dame de la Providence. |

Le bras et la main de sainte
Euphémie dans leur reliquaire |

Le village d'Irsina
A droite :
Statue de sainte Euphémie
à San Mauro La Bruca dans
la province de Salerne en
Campanie |

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D’autres reliques apparaissent encore au
fil des siècles en France, notamment en
1454 à l’abbaye bénédictine de
Montier-en-Der en Haute-Marne ou à la
Sorbonne de Paris en 1606 lorsqu’un
grand maître de l’Ordre de Malte, Aloph
de Vignacourt, fait dont d’une relique
de la sainte ayant été transférée
d’abord à Rhodes, puis en l’église
Saint-Jean à La Valette (Malte).
L’une des principales reliques (le
crâne), a été emportée par les Croisés
originaires de l’Evêché de Bâle et du
Comté de Ferrette (Pfirt) après le
pillage de Constantinople en 1204.
Plusieurs reliques arrivèrent à l’abbaye
de Lucelle, dont le crâne qui fut sauvé
lors du pillage de la région par Anglais
en 1375 (à chacun son tour).
Les Français détruisirent la
quasi-totalité de l’abbaye après en
avoir chassé les moines et confisqué
leurs biens en 1804. Toutes les reliques
qui y étaient conservées purent
néanmoins être sauvées et éparpillées
dans les églises des villages voisins,
actuellement sur les deux côtés de la
frontière helvético-française. Ainsi les
églises paroissiales de Miécourt,
Pleigne, Charmoille, Liebsdorf, Oltingen
ou Ferrette ont pu protéger les reliques
sacrées de Lucelle, mais toutes ne sont
pas arrivées jusqu'à nous.
L’église catholique Sainte-Catherine du
village de Bouxwiller (Buxwiller) hérita
du crâne de sainte Euphémie qui était
exposé dans un reliquaire en métal
argenté, comme le sarcophage d’origine à
Chalcédoine. Il a été volé le 21
décembre 2008.
Il est intéressant de noter au passage,
que le petit village de Charmoille dans
le Jura suisse, proche de Lucelle où se
trouvait le crâne d’Euphémie de
Chalcédoine ramené par les Croisés, a
été le lieu où le poète et psychiatre
Ferenc Rákóczy a grandi. Né à Bâle le 22
novembre 1967, il est l’un des
descendants
de Ferenc
(François) II Rákóczi de Transylvanie
qui
trouva refuge auprès de la Porte. Décédé
à
Tekirdağ (Rodosto)
en 1735, il a été enterré en l’église
Saint-Benoît d’Istanbul
dans des conditions pas très claires, ce
qui déclencha une rumeur sur son
immortalité.
Rumeur toujours
vivante.