Une colonie polonaise en Turquie

En fait, il est assez facile de repérer qui étaient les fondateurs des villages
autours d’Istanbul, le Köy signifie village et il suffit de comprendre
ce qu’il y a devant pour percer le mystère. Ainsi,
Arnavutköy (Albanais), Çerkesköy
(Tcherkesses), Ermeniköy (Arméniens), Karaköy (Caraïtes), Polonezköy (Polonais),
etc.
Les Polonais font partie de ces minorités
de Turquie
qui sont tellement insignifiantes en
quantité qu’on arrive à les oublier.
L’histoire de
ce village polonais du Bosphore
n’est pas banale et commence après le partage de la
Pologne entre la Prusse, l’Autriche-Hongrie et la Russie et la vaine rébellion
des Polonais, dont les leaders prirent le chemin de l’exil. La diaspora était
particulièrement organisée à Paris et à Istanbul. Le prince Adam Czartoryski
proposa l’installation de paysans polonais à des fins militaires dans l’Empire
ottoman, encouragé par la France et l’Angleterre qui s’opposaient à une présence
russe dans les Balkans toujours plus menaçante pour leurs propres projets.

En juin 1842 un accord fut signé entre le prince Czartoryski et les Lazaristes
français pour l’installation des premiers colons dans une ferme dans les
collines en dessus de
Beykoz où les religieux possédaient un vaste terrain agricole. Les premiers
émigrés arrivèrent de Varsovie, Zamosc, Plock et Kalisz. En septembre 1842 on
commençait à construire les premières maisons financées par l’aristocratie
polonaise et la diaspora et en 1851 on en comptait 16 et une chapelle.

Image d'autrefois |
L’armée russe avait enrôlé de force les Polonais pour les entraîner dans la
guerre de Crimée (1855-56). Selon un accord de 1774 entre la Russie et l’Empire
ottoman, les Ottomans chrétiens et Russes musulmans, ne tombaient pas sous les
règles d’échanges de prisonniers de guerre. Ainsi, beaucoup de Polonais prirent
la religion musulmane pour échapper à l’armée russe et vinrent rejoindre leurs
compatriotes dans la région d’Istanbul. |
Le village attirait la curiosité des étrangers de passage dans la capitale
ottomane. En 1847, Franz Liszt visitait village suivi de Gustave Flaubert en
1850 et du comte Wladyslaw Zamoyski. En 1855 le poète Adam Mickiewicz, qui
vivait à Paris, vint aider le prince Czartoryski et s’y installa, mais il devait
mourir la même année, certainement de la peste. En 1863, une nouvelle vague de
réfugiés arrivait formée
des ouvriers et ingénieurs polonais et hongrois,
employés à la construction du chemin de fer Vienne - Varsovie. A cette période,
on comptait près de 1000 habitants à Adampol.

Après les années de gloire, les années sombres. En 1923, la nouvelle Turquie et
la Grèce procédèrent à l’échange des populations orthodoxes d’Anatolie et
musulmanes de Grèce. Les Polonais n’étaient pas concernés, car ils étaient
catholiques, mais les villages grecs voisins furent abandonnés et furent la
proie des bandes de brigands. Adampol fut attaqué plusieurs fois et les
habitants demandèrent la protection de la police militaire turque qui intervint.
En 1918, au relèvement de la Pologne, certains habitants prirent le chemin d’une
patrie qu’ils n’avaient jamais vu, mais dont ils avaient conservé la langue et
la culture. Aujourd’hui, la majorité des Polonais de la région vie à Istanbul,
mais le village est resté un îlot bien à part, où les habitants ont su préserver
leurs particularités.
Le village se compose d’une soixantaine de maisons, d’une église (Notre-Dame-de-Czestochowa),
d’un cimetière. Plusieurs fermes font pension ou table d’hôte.
A
voir / à faire
Pour un touriste, l'attrait du village reste mince, mais pour les Stambouliotes,
c'est l'occasion de passer une journée ou une fin de semaine, en plein air. La
plupart des fermes font de la restauration. Souvent il s'agit de grillades à
faire cuire soi-même au charbon. Quelques fermiers, proposent des chambres
d'hôte ou des tables d'hôte.
L'église n'est ouverte que le dimanche et le petit cimetière catholique à
l'entrée du village, est intéressant.
Spécialités
Le village est connu pour son miel de pin et son miel de thym. Les plats que
l'on propose à la ferme, sont des spécialités locales qui peuvent être composés
de viande de porc. En automne, on peut trouver de la charcuterie maison.
La confiture de prune y est également excellente, voire la confiture de figue.
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